Grands-Prieurs
1. — Frère Rodolphe (Baron) de Paar, (1626)Frère de Paar, était entré dans l'Ordre, en 1594; il était très-habile à tous les exercices de la chevalerie, aussi fut-il appelé à la Cour de l'archiduc Ferdinand, plus tard empereur (1).
Il était commandeur de Furstenfeld et de Melling (Styrie), lorsqu'il fut élu (1626).
Il fut immédiatement confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte; mais il mourut à Karlstadt, avant d'avoir pris possession de sa charge. C'est depuis Frère Rodolphe que le titre de grand-prieur fut adopté, au lieu de celui de prieur-général.
1. — Il fut grand-écuyer, colonel-général à Karlstadt, chambellan.
2. — Frère Guillaume (Comte) de Wratislaw-Mitrowitz, (1626-1637)
Frère de Wratislaw-Mitrowitz (1), était de lignée royale. Les Wratislaws descendent en effet du duc de Bohême de même nom, premier roi de Bohême, par son fils Vladislav, et sont ainsi de la famille de Wenceslas-le-Saint.
1. — Il fut capitaine de trabans, grand-chambellan de l'empereur Rodolphe II, conseiller intime du roi Mathias et lieutenant du roi en Bohême, assesseur du Tribunal supérieur de la province.
Frère Guillaume entra dans l'Ordre, à l'âge de 24 ans; ayant donné des preuves de sa valeur, à la prise des forteresses hongroises de Gran et de Hattwan, il fut nommé commandeur de Tinz, près Nimptsch (Silésie prussienne).
Il fut élu, en 1626, au grand-priorat, et confirmé dans sa dignité par Bulle du grand-maître de Malte, Frère Antoine de Paula, en date du 17 juin 1627.
Il acheta, en 1628, au conseil municipal d'Eger, la commanderie qui avait appartenu à l'Ordre Teutonique et avait été cédée par cet ordre, en 1608.
Le premier commandeur de l'Ordre de Malte fut le Comte Simon de Thun. Mais, en la même année la commanderie de Glatz fut vendue aux Jésuites, après avoir appartenu aux Chevaliers de Saint-Jean, durant 445 ans (1183—1628). Cette vente eut lieu sur le désir de l'empereur Ferdinand II.
L'Ordre acquit, en échange de la commanderie de Glatz, la commanderie de Maidelberg (château et village, enclave de Moravie) qui subsiste encore.
Il reçut, en 1629, en vertu de l'Edit de restitution rendu par Ferdinand II, l'Eglise-Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Striegau, que les protestants avaient possédée pendant 111 ans et qui est aujourd'hui encore église paroissiale.
Il mourut, le 19 janvier 1637, à l'âge de 61 ans, après avoir appartenu 37 années à l'Ordre, en son palais grand-prieural de Prague, et y fut inhumé dans le Dôme. Une épitaphe rappelle ses grands mérites et ses vertus; nous la relevons sur son tombeau: D. D. Guilhehnus S. B. J. comes Wratislaw de Mitrowitz, Ord. S. Joan. Hierosol. Prioratus Boem., supremus magister, et Dom, in Strakonitz, generalis vigiliarum praefectus, et aulae mareschallus, nec non Rom, Boem., et Hung. Begis consiliarius, camer., et in regno Boem. Locumtenens, qui persoluto vitae cursu Anno aetatis suae LXI, suscepti Ordinis XXXVII et repavat. Salut, humanae, MDCXXXVII. XIX Januarii pie in Domino obiit, hoc in Sarcoph., reconditur, cuius anima coelesti potiatur gaadio.
Il avait légué à son Ordre sa seigneurie d'Ober-Liebich; l'Ordre en fut mis en possession, en 1653.
3. — Frère Rodolphe (Comte du Saint-Empire) de Colloredo-Wallsee, (1637-1657)
Frère de Colloredo (1), fut un homme d'état et un homme de guerre ; avant d'être élu au grand-priorat, il avait rempli les fonctions d'ambassadeur du Magistère de Malte a la Cour impériale, et avait, en cette qualité, rendu d'importants services.
Il fut élu, le 19 janvier 1637; nous donnons à l'Appendice l'état territorial du grand-prieuré, qu'il est curieux de comparer avec l'état territorial actuel. En sa qualité de grand-prieur et de seigneur de Strakonitz, il avait les revenus d'Eger, de Grobing, de Brunn, de Fuvstenfeld. Il déploya une grande activité dans l'intérêt de son prieuré.
Quand Strakonitz fut dévastée par les Suédois (Guerre de Trente Ans), ainsi que toute la contrée, les bourgeois donnèrent une grande preuve de fidélité, en payant une forte somme pour sauver de la destruction le château grand-prieural. Frère Rodolphe sut réparer les ruines faites dans les commanderies et régla la situation des colons amenés par l'immigration.
Il donna à Strakonitz et au bourg de Rodomysl de nouveaux droits et privilèges. En sa qualité de prélat provincial, il exerça en même temps un contrôle sévère sur l'observation de la Règle de l'Ordre. Il mourut, le 27 janvier 1657, en son palais de Prague, à l'âge de 72 ans, après 20 années de grand-priorat, et fut inhumé devant le maître-autel de l'Eglise-Notre-Dame-sub-catena de la Kleinseite.
1. — Le comte Rodolphe est une des grandes figures des Annales de la Bohême. Né, le 2 novembre 1585, à Budweis, il était depuis sa jeunesse Chevalier de Malte, et commandeur de Tynz et de Grobnig. Il s'était bientôt signalé dans l'armée impériale contre les Turcs, contre Béthlem Gabor, contre les Uscoques, contre les Vénitiens dans le Frioul et devant Mantoue. Après la bataille de la Montagne-Blanche (1620), il fut fait maréchal de camp (General-Feld-Wachtmeister), en 1621, par l'empereur Ferdinand II. Il servit sous Tilly contre Mannsfeld et le roi de Danemark; puis, en 1631, il prit part à la tête d'un régiment à la bataille de Breitenfeld, contre Gustave Adolphe et abandonna un des derniers le champ de bataille. Lorsque le duc de Friedland reforma son armée, à Znaim, il équipa à ses frais un régiment de cuirassiers, de 5 escadrons et 150 hommes chacun, et marcha sur Prague avec le duc de Friedland, puis sur Nuremberg, où Gustave-Adolphe fut battu pour la première fois (1632). Lors de l'entrée en Saxe, Colloredo eut la garde de Weissenfels avec son régiment, afin d'observer l'ennemi. Lorsqu'il eut signalé l'approche de Gustave-Adolphe, l'armée impériale se concentra à Lutzen, où se livra une sanglante bataille. Colloredo eut plusieurs chevaux tués sous lui et il avait reçu 7 blessures, lorsque Waldstein fit sonner la retraite. Quand celui-ci perdit son commandement et fut banni, Colloredo tint pour l'Empereur; plus tard il reçut en récompense la seigneurie d'Opocno (Bohême), en 1636, domaine que la maison princière possède encore, puis il fut nommé conseiller intime actuel et feldmaréchal. Il servit sous Gallas, dont il partagea la bonne et la mauvaise fortune, et, en 1647, il reçut le commandement de Prague, que les Suédois attaquèrent (1648) et qu'il défendit si habilement et si valeuresement (26 juillet — 1er octobre 1648), qu'on le nomme le Sauveur de Prague. La paix de Westphalie (6 août — 8 septembre 1648) préserva cette ville des dernières misères: elle avait jusqu'à ce moment-là résisté au plus violent feu d'artillerie et aux plus terribles assauts. Colloredo avait été l'âme de cette admirable résistance contre les Goths et les Vandales, ainsi que le rappelle l'inscription de la Tour-du-pont, de l'Altstadt. Sa statue s'élève à Prague, comme un témoin de ce haut-fait. Il commanda la ville jusqu'en 1657.
4. — Frère Guillaume-Léopold (Comte) de Rheinstein-Tattenbach, (1653-1661)
Frère de Rheinstein-Tattenbach, était né à Gratz et avait reçu une éducation conforme à son rang. Il entra jeune encore dans l'Ordre et mérita la collation des commanderies de Sanct-Peter (Carniole), de Heillenstein et de Melling (Styrie), de Breslau (Silésie prussienne), du Johannes-Hof (Vienne).
Il fut élu, en 1658, au Couvent de Prague, et, en la même année, confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte. Il vécut dès lors sur les domaines du grand-prieuré, s'occupant de les administrer et faisant beaucoup de bien aux pauvres.
Il sut régler pacifiquement les affaires de l'Ordre. Ses services envers l'Etat furent récompensés par l'empereur Ferdinand qui le nomma chambellan, par l'empereur Léopold Ier qui le fit conseiller intime et par l'archiduc Léopold-Guillaume, dont il fut grand-chambellan et dont il reçut à titre de fief, la Seigneurie de Rheinstein qui avait fait retour à la Couronne (1599).
Il fut aussi Président-de-guerre. Il mourut à Gratz, le 25 novembre 1661, et il y fut inhumé.
5. — Frère Adam-Guillaume (Comte) de Wratislaw-Mitrowitz, (1661-1666)
Frère Wratislaw-Mitrowitz (1), entra de bonne heure dans l'Ordre et se distingua, à l'île de Malte, dans différentes entreprises militaires. Aussi fut il nommé par le Grand-Maître général-des-galères, et commanda-t-il souvent les forces navales de l'Ordre contre les Infidèles.
Lors de la mort de Frère Guillaume de Rheinstein, il était commandeur de Tynz et fut élu à l'unanimité au grand-priorat de Bohême-Autriche. Son élection fut accueillie avec joie et confirmée par le grand-maître, Frère Raphaël Cotoner, qui l'avait vu à l'oeuvre. On dit qu'en 1665, il faillit même être élu au magistère.
Il s'appliqua au bien-être de grand-prieuré : il régla sur de nouvelles bases les rapports de l'Ordre avec les bourgeois de Strakonitz, par une Transaction, afin de mettre fin aux différends.
C'est sous son gouvernement que le chapelain et receveur de Vienne fut nommé par l'empereur Léopold Ier à l'évêché de Laibach (1664).
Frère Adam-Guillaume réunit un Chapitre, à Prague, le 19 mai 1665, pour réglementer la compétence judiciaire et d'autres questions intérieures. Les résolutions de ce chapitre furent approuvées par l'empereur Joseph Ier, le 25 avril 1710. Il mourut en son palais de Prague, le 11 octobre 1666 et y fut inhumé à l'Eglise-Notre-Dame.
1. — Il fut conseiller mtime de Léopold Ier et Lieutenant de Bohême.
6. — Frère Franz (Comte) de Wratislaw-Mitrowitz, (1667-1675)
Frère Wratislaw-Mitrowitz (1), était le frère du grand-prieur précédent. Il était né à Prague et avait suivi l'exemple de son frère, après avoir été aussi reçu très-jeune dans l'Ordre. Il eut, en récompense de ses services, les commanderies de Reichenbach (Silésie prussienne) et de Meidelberg (Silésie autrichienne) ; il fut nommé grand-bailli d'Allemagne, et, en 1667, élu grand-prieur, au Couvent de Prague.
La commanderie d'Ober-Karlowitz (Bohême) fut réunie en cette même année à celle d'Alt-Brunn (Moravie).
La commanderie de Maidelberg fut confirmée (1667) (2).
C'est sous son gouvernement que s'affirma la souveraineté de l'Ordre, qui refusa à l'évêque-coadjuteur de Breslau le droit de visite canonique, excepté in spiritualibus, par l'organe du commandeur, Frère Ferdinand-Louis (Comte) de Kolowrat-Liebsteinsky. Cette exemption avait été reconnue à plusieurs reprises par le Saint-Siège, et, en particulier, en 1523, par le pape Clément VII qui avait déclaré les Chevaliers de Malte d'obédience directe et immédiate a sede apostolorum. C'est ce qui fait dire à un chroniqueur; « Les chevaliers de Saint-Jean ont sur tous les ordres religieux la primauté, non seulement à cause de leurs nombreux ressortissants, mais encore par suite de leurs privilèges et immunités. » Le visiteur ecclésiastique ne pouvait exécuter sa visite, d'après les Bulles pontificales, confirmées encore en 1528 par l'empereur Charles-Quint, que s'il justifiait d'une délégation du Souverain-Pontife.
Les temps s'amélioraient pour l'Ordre, et l'on remarquait déjà que le bien-être renaissait. Le grand-prieur fit réparer l'Eglise-Saint-Procope, à la Kleinseite de Prague. L'acte sur parchemin que l'on plaça à la pointe du clocher indique comme date de l'achèvement le 23 novembre 1669.
Il consacra les revenus de Strakonitz et de Warwazau à des oeuvres humanitaires: il vivait lui-même très-modestement.
Le magistère de Malte l'envoya, en 1675 en ambassade auprès du pape Clément X. Après avoir accompli sa mission, il se rendit auprès du grand-maître, Frère Nicolas Cotoner, à Malte, où il se démit de sa dignité, le 13 janvier 1675, afin d'y vivre dans la retraite et la prière jusqu'à sa mort, qui survint en 1684.
Il donna de son vivant à la collégiale de la Cité-Valette, une lampe d'argent du poids de 14 kg., et, après sa mort, une somme de cinquante mille ducats à l'Ordre, par son désappropriement.
Il fut inhumé dans la Chapelle-des-Rois-Mages, propriété de la Langue d'Allemagne, et l'Ordre lui éleva un mausolée dont l'épitaphe célèbre les vertus des deux nobles frères : Frère Adam-Guillaume et Frère François, Comtes de Wratislaw-Mitrowitz. Cette épitaphe est ainsi conçue : Deo UniTrino, Fratri Francisco Sebastiano Comiti Wratislaw, Germaniae magno baiulivo, max. Boemiae priori, qui pro sacra hierosolymitana Religione ad obedientiam Clémenti X, praestandam orator suo munere magnifice perfunctus Adami fratris dignitatum et virtutum pariter haeres. Sta, ut nobile per Fratrum huic aequale vix alibi inveneris. Prioratu sponte demisso omnique fastu abhorrens pie semper vivens, fraternae generositatis invidus, publico aerario quinqaginta aureorum millia legavit. Eiusdem aerarii praesides, nunquam vderiturac gratitudods mommientum F. C. Anno reparatae salutis MDCLXXXIV.
1. — Il fut nommé par Léopold Ier conseillé intime, Lieutenant de Bohême et assesseur du Tribunal supérieur du royaume de Bohême.
7. — Frère Ferdinand-Louis (Comte du Saint-Empire), de Kolowrat-Libersteinsky (1), (1676-1701)
Frère Ferdinand-Louis, se rendit à Malte auprès du grand-maître, Frère Nicolas Cotoner, qui l'employa dans toutes les branches de l'administration et le nomma général-des-galères. Il fut aussi commandeur de Striegau, de Reichenbach et de Maidelberg.
Il fut nommé dès le 14 janvier 1675, par Bulle du Magistère, successeur de Frère François, mais il ne prit possession du grand-priorat qu'en 1676 (2).
1. — Cette famille fut élevée au rang comtal, par diplôme impérial, en date du 28 février 1600.
2. — Il fut chambellan, assesseur, Lieutenant de Bohême.
Il sut résister à la visite de l'Ordinaire de l'évêché de Breslau, à Striegau, et donna l'ordre, par décret du 15 juin 1687, au commandeur, Frère Jean (Comte) de Portia, de prendre les clefs de l'église et d'en refuser l'entrée au Visiteur, à moins qu'il ne fît la preuve d'une délégation spéciale du Saint-Siège. Le visiteur protesta, mais la protestation resta sans réponse. Il en agit de même pour l'Eglise du Très-Saint-Corps-du-Christ, de Breslau, et fit respecter les privilèges de l'Ordre.
En 1689, le prieur-titulaire de Hongrie, Frère Joseph (Comte du Saint-Empire) de Herberstein, érigea un bailliage dans la ville de frontières de Karlstadt (Croatie); mais il fallut l'aliéner pendant l'invasion turque.
Lorsqu'on démolit, en 1689, l'Eglise-Saint-Procope de la Kleinseite et qu'on enleva un clocher et la voûte qui menaçaient ruine, on trouva à la pointe du clocher un parchemin portant ces mots : Aedes haec Divo Procopio sacra eo loco, ubi olim oraculo Libussae a fabricato limine (Prah) Praya suum nomen accepit, collocata et ex prima urbis aede in sacellum conseerata, tandem vetustate collapsa jam pio voto et propriis sumtibus, etc. Le 23 avril 1689, fut posée la première pierre de l'église nouvelle qui fut achevée, le 11 mai 1690, comme le constate un parchemin placé de même à la pointe de la tour, sous le règne du pape Alexandre VIII, de l'empereur Léopold Ier et du grand-maître, Frère Grégoire Caraffa.
Le grand-prieur Frère Ferdinand vendit, en 1691, la commanderie de Mokau.
Lorsque Frère Frédéric, landgrave de Hesse-Darmstadt, grand-prieur d'Allemagne, devint évêque de Breslau (1671), il s'occupa de la commanderie et de l'Eglise du Très-Saint-Corps-du-Christ, à Breslau, surnommée Wratisavia, et s'efforça de les récupérer. Il en référa, en 1678, au pape Innocent XI, qui approuva le projet du cardinal grand-prieur, et, par Bref du 23 juillet 1678, lui donna pouvoir de faire le nécessaire. Mais la mort du cardinal grand-prieur interrompit les négociations, le 18 février 1682; le grand-prieur de Bohême reprit alors ces négociations (1692) et, par l'intermédiaire de l'empereur Léopold Ier, ainsi que du nouvel évêque de Breslau, François-Louis, comte palatin du Rhin et grand-maître de l'Ordre Teutonique, la commanderie fut rachetée au conseil municipal et sa magnifique église fut rebâtie.
Frère Ferdinand en fut le premier commandeur, et, comme sa haute dignité ne lui permettait pas la résidence à Breslau, il nomma un administrateur pour le substituer. La commanderie fut constituée en fidéicommis sub titulo recuperationis de la maison Kolowrat-Liebsteinsky, jusqu'en ces derniers temps (le rachat avait eu lieu des deniers personnels du grand-prieur Kolowrat), et fut ainsi sauvée lors de la sécularisation des cloîtres et congrégations par la Prusse (1810).
Frère Ferdinand acheta, pour la somme que le conseil municipal d'Eger avait payée pour l'acquisition de la commanderie d'Eger, le domaine de Mecholup, et y érigea la commanderie du même nom.
Son administration fut, on le voit, sage et habile; il consacra toutes ses forces au bien-être de ses frères et au maintien des privilèges de l'Ordre souverain. Il mourut, le 30 septembre 1701, et fut inhumé à Prague, dans la Chapelle-Saint-Procope de l'église métropolitaine.
8. — Frère François-Sigismond (Comte du Saint-Empire) de Thub-Hohenstrin (1), (1702)
Frère François-Sigismond, entré jeune dans l'Ordre, il fut, après avoir donné des preuves de son mérite, nommé commandeur de Klein-Ols, de Grobnig et de Vienne. Il était fils du grand-maréchal de la Cour de l'Empereur et rendit de tels services à Léopold Ier, qu'il devint chambellan et conseiller-aulique-de-guerre (Hof-Kriegsrath), et qu'il fut envoyé en mission auprès du pape Innocent XI (1686), pour lui annoncer la reprise de la ville de Pesth sur les Ottomans.
Il se rendit à Malte, auprès du grand-maître, Frère Grégoire Caraffa, qui l'accueillit avec une bienveillance marquée. Il y donna des preuves de ses capacités militaires et fut nommé général-des-galères par le grand-maître suivant, Frère Adrien de Wignacourt; il fit, en cette qualité, plusieurs expéditions heureuses contre les corsaires (1694) et prit, après 8 jours de siège, la ville de Chios ou Scio (2).
Il fut nommé, en 1702, grand-prieur, en récompense de ses services: mais il mourut en Italie, en revenant de Malte pour prendre possession de sa charge.
1. — Le diplôme relatif à l'adjonction du titre de Hohenstein est du 28 février 1628. 2. — Voyez Annales, Ie partie, à cette date.
9. — Frère Wolfgang-Sébastien (Comte du Saint-Empire) de Potting, (1702-1709)
Frère Wolfgang-Sébastien, fut nommé par Bulle du magistère, en date du 2 juin 1702; son entrée en fonctions fut signalée par un véritable don de joyeux avènement; car l'archevêque de Salzbourg, Comte-du-Saint-Empire Jean-Ernest Thun fonda (1703), au prix de 30.000 florins une commanderie de famille.
L'église magnifique de Striegau fut reconstruite (1704), comme l'historien Henelius le raconte: Quae sut excellentissimo DD. commendatore Comité de Herberstein ex ruinis in quas tot tantisque temporum injuriis conciderat, in novnm veteriqne longe magnificentius atque commodius aedificium hodie resurgit.
Ce grand-prieur fut chambellan de Léopold Ier, conseiller intime de Joseph Ier. Lieutenant et assesseur du Tribunal supérieur de Bohême. Il mourut, le 17 juillet 1709, en son palais de Prague et fat inhumé dans l'église conventuelle de Notre-Dame-sub-catena.
10. — Frère Jean-Wenceslas de Wratislaw-Mitrowitz (1), (1711-1712)
La dignité de grand-prieur lui fut conférée par Bref spécial du pape Clément XI, en récompense des services qu'il avait rendus au Saint-Siège, dans la conclusion de l'arrangement avec l'empereur Joseph Ier, à la date du 20 janvier 1711.
Nous donnons en note le résumé de sa vie politique. Son priorat fut très-court, car il mourut le 21 décembre 1712, à Vienne; ses restes mortels furent transportés à Prague, dans l'Eglise-des-Frères-Mineurs de l'Altstadt, où on lui éleva un magnifique mausolée. L'épitaphe est ainsi conçue : Beverendiss. Illustrissimo et Excell. viro Joanni Wenceslao S. B. J. Comiti Wratislaw de Mitroicitz, tertio suae gentis in Boemia Ord. Equit. S. Joan. Hieros. Magno Priori, S. C. et R. Majestatis a secretioribus consiliis, atque Regni Boem. supremo Cancellario. MDCCXIII. XXY. Jan.
1. — Il fut un grand homme d'état et le ministre de trois empereurs (Léopold Ier, Joseph Ier et Charles VI). Nommé, en 1695, chambellan, puis assesseur à la Chancellerie aulique de Vienne, il eut bientôt l'occasion de montrer sa science des affaires. Léopold Ier l'envoya (1700) en mission spéciale en Angleterre, pour négocier l'alliance avec le roi Guillaume III. Il alla ensuite avec Charles III, roi d'Espagne, en Hollande (1703). Au retour de la campagne de 1704, il fut nommé conseiller intime et grand-juge de Bohême. Joseph Ier le confirma dans sa charge de conseiller intime et le chargea, le 6 juin 1705, de l'organisation de la chancellerie aulique de Prague, en qualité de vice-chancelier, sous les ordres du comte Kinsky, grand-chancelier. Puis il dirigea cette chancellerie, en l'absence du comte Kinsky. Il fut chargé de nouvelles missions diplomatiques, en Hongrie (1706) pour négocier avec les mécontents, en Saxe (1707), auprès du Roi de Suède, Charles XII, et conclut les Préliminaires du 22 août et le Traité de paix du 1er septembre. IL fut appelé au Conseil-de-Conférence (Conferenz-Math) que Joseph Ier avait créé. Il y travailla au maintien des droits de l'Autriche à la succession d'Espagne. Il était l'ami intime du prince Eugène de Savoie, et dut à cette amitié d'être chargé des affaires les plus délicates, au lieu et place d'un premier-ministre. Lorsqu'il fut nommé grand-prieur, Joseph 1er lui attacha lui-même (1er mars 1711) la grand'croix, à laquelle sa dignité prieurale lui donnait droit. A la mort de Joseph Ier, il fit partie du Conseil de Régence, avec les princes Mannsfeld et Trautsohn, et le comte de Seilern. Sous Charles VI, il fut nommé, le 17 décembre 1711, grand-chancelier de Bohême, après être allé jusqu'à Milan au-devant de cet empereur, à son retour d'Espagne. Il exerça ces hautes fonctions jusqu'à sa mort. Joseph Ier lui avait donné de grands domaines en Hongrie. Le chef de la famille Wratislaw est, par droit héréditaire et par ordre de primogéniture, grand-maître-des-cuisines du Royaume de Bohême. C'est la sixième des dix grandes charges de la Cour de Bohème. Le Décret impérial est du 17 décembre 1711.
11. — Frère Ferdinand-Léopold (Baron) de Dubsky-Trzebomislitz (1), (1714-1721)
Frère Ferdinand-Léopold, se fit recevoir, à Malte, chevalier de l'Ordre. Il prit part aux expéditions contre les Infidèles et se distingua tellement sous les grands-maîtres, Frère Grégoire Caraffa, Frère Adrien de Wignacourt et Frère Raymond Perellos, que celui-ci le nomma général-des-galères, et le pape Clément XI, nonce-général (Nuntius generalis).
Après sa nomination au grand-prieuré de Bohême-Autriche (1714) et sa confirmation dans sa dignité par le magistère, il revint de Malte et prit possession de son siège. Il fit construire à Strakonitz un nouveau château (1715); il fit réparer l'église de la commanderie de Striegau, dévastée par un incendie (13 mars 1718) et y consacra une importante somme d'argent. Il était seigneur de Strakonitz, Ober-Liebich, Warwazau et Brezinoves. Il mourut en son palais de Prague, le 27 février 1721, dans sa 74e année et fut inhumé à l'église conventuelle de Notre-Dame.
1. — L'empereur Charles VI le nomma assesseur du Tribunal supérieur et Lieutenant de Bohême, puis vice-amiral. Il était prieur titulaire de Hongrie.
12. — Frère Charles-Léopold (Comte du Saint-Empire) de Herberstein (1), (1721-1726)
Frère Charles-Léopold, en même temps prieur titulaire de Hongrie, était né en 1660 et avait reçu une éducation conforme à son rang. Il entra jeune encore dans l'Ordre et obtint pour ses services les commanderies de Lossen, Striegau, Mailberg, Troppau.
Partout il fit élever des constructions nouvelles, et, en particulier le palais de la commanderie et l'Eglise-Saint-Jean-Baptiste de Troppau, ainsi que la belle Eglise-Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Striegau qu'il fit achever.
Il se rendit à Malte auprès du grand-maître, Frère Raymond Perellos, et ses connaissances y furent appréciées, car il y fut élevé à la dignité de grand-bailli. Lorsqu'il fut nommé par Bulle de collation, du 23 avril 1721, au grand-prieuré de Bohême-Autriche et confirmé dans sa charge par le Magistère, il revint en Bohême s'y consacrer entièrement à l'administration de sa charge.
Il commença la réparation du couvent de Prague, qu'il fut réservé à son successeur de finir.
Nommé Lieutenant de Bohême par Charles VI, puis conseiller intime et conseiller aulique de guerre, il rendit des services à l'Etat, et reçut en récompense la charge héréditaire de chambellan et écuyer-tranchant du duché de Carinthie. Il mourut à Vienne, le 5 mars 1726, à l'âge de 66 ans; sa dépouille mortelle fut transportée à Prague, où il fut inhumé à l'église conventuelle.
1. Charles VI le nomma Lieutenant de Bohême, conseiller intime et aulique de guerre, écuyer-tranchant héréditaire du duché de Carinthie.
13. — Frère Gundaker-Poppo (Comte du Saint-Empire) de Dietrichstein (1), (1726-1737)
Frère Gundaker-Poppo, était né, le 10 janvier 1672, il entra de bonne heure dans l'Ordre et fut bientôt pourvu des commanderies de Klein-Ôls, de Brunn, d'Ober-Karlowitz, puis nommé par Bulle de collation du 16 avril 1726, grand-prieur et confirmé par le magistère, il se préoccupa tout d'abord de remettre en un état convenable les bâtiments conventuels.
Il fit entreprendre dès l'année de son entrée en fonctions, à la Kleinseite de Prague, la construction du nouveau palais grand-prieural, et la mena à bien en une année, comme le prouve l'inscription encore visible au-dessus de la grande porte d'entrée.
Il le fit orner de cariatides de pierre, dues au ciseau de Braun. C'est dans ce palais que résident les grands-prieurs. Là se trouvent aussi les Archives, où l'on conserve les actes et écrits officiels, ainsi que les arbres généalogiques et les preuves de noblesse des chevaliers du grand-prieuré.
Il fit continuer la réparation du couvent (1731).
Il fit bâtir une belle église de Saint-Jean-Baptiste sur la colline près de Radomysl (1733) et l'église paroissiale de Saint-Jacques-le-Majeur, à Ober-Liebich.
IL fut à la fois un sage administrateur et un ferme gardien de la discipline. Ses oeuvres témoignent des services qu'il a rendus à son Ordre. Il mourut, le 9 octobre 1737, en son palais grand-prieural et fut inhumé à l'église conventuelle, aux côtés de ses prédécesseurs.
1. — Il fut chambellan, assesseur du Tribunal supérieur et Lieutenant de Bohême, conseiller intime, capitaine de la garde, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Ordre, à Vienne, grand-veneur héréditaire de Styrie, grand-échanson héréditaire de Carinthie.
14. — Frère François-Antoine (Comte du Saint-Empire) de Konigsegg-Rothenfels, (1737-1744)
Frère François-Antoine, en même temps prieur titulaire de Hongrie, était né, le 16 mai 1672, et entra jeune dans l'Ordre.
Il fut commandeur de Lossen et de Striegau, puis prieur titulaire de Hongrie et Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour de Vienne, enfin, à la mort de Frère Charles Léopold, il fut nommé par Bulle du grand-maître, Frère Raymond Despuig, en date du 3 décembre 1737, grand-prieur de Bohême et confirmé dans sa charge.
Il ne prit possession du grand-prieuré qu'en 1738. Dès la seconde année de son entrée en fonctions, une Ordonnance très-importante, du 14 novembre 1739, conféra au prieur conventuel le privilège de poser lui-même la mître sur sa tête, lors de son intronisation. Les chapelains du grand-prieuré élisent le prieur conventuel, le grand-prieur le confirme dans sa dignité. Le Couvent de Prague est sous la juridiction du grand-prieur. Frère François-Antoine lui donna des règlements plus précis, auxquels le couvent eut à se conformer strictement (5 juillet 1744).
Il fut aussi opéré une modification dans les commanderies de Silésie. Jusqu'en 1740, celles-ci ne relevaient que du grand-prieuré, et celle du Très-Saint-Corps-du-Christ (la Wradislavia) était de chambre magistrale (1450-1540): elle ne relevait que du Magistère de Rhodes ou de Malte. Lorsque cette commanderie fut engagée par l'empereur Ferdinand Ier, ce privilège cessa d'exister: elle fut incorporée au grand-prieuré de Bohême et lui paya une responsion de 471 florins, 1 kr. Les commandeurs de la Wratislavia furent en outre tenus d'assister aux Chapitres convoqués par le grand-prieur. Puis la paix de Breslau (1742) et celle de Dresde (1745) laissèrent la Silésie entre les mains de la Prusse, et nous verrons bientôt ce qui en résulta. La situation de Frère François Antoine fut d'ailleurs bien difficile, lors de l'invasion prusso-bavaroise en Bohême, d'autant plus qu'il était Lieutenant de l'Empereur. Grâce à son tact, il sut cependant protéger ses commanderies et son pays dans les limites du possible. L'empereur Charles VI l'avait nommé chambellan et conseiller intime actuel. Marie-Thérèse le confirma dans toutes ses dignités. Il mourut à Prague, en son palais, le 31 mai 1744, et y fut inhumé dans l'église conventuelle.
15. — Frère Wenceslas-Joachim (Comte du Saint-Empire) Czejka-Olbaramowitz, (1744-1754)
Frère Wenceslas-Joachim, en même temps prieur titulaire de Hongrie, fut reçu très-jeune dans l'Ordre et y devint Chevalier de Justice, puis commandeur de Mecholup. Il fut nommé par Bulle du Magistère, en date du 9 juillet 1744, mais il n'entra en fonctions qu'en 1745.
Un des premiers actes de son priorat fut l'achat du domaine de Dozic (Bohême), pour la somme provenant du bailliage institué à Karlstadt (Croatie), par Jean-Joseph de Herberstein, comte du Saint-Empire.
La victoire de Frédéric II, roi de Prusse, entre Striegau et Hohenfriedeberg, décida du sort des commanderies de l'Ordre en Silésie (4 juin 1745).
Tandis que Frère Wenceslas Joachim tâchait de propager l'industrie à Strakonitz, vendait (1748) la commanderie d'Ebenfurt-sur-la-Leitha, qui ne rapportait à peu près rien, et en faisait une commanderie pécuniaire dont la jouissance fut attribuée au prieur crossé et mitré; il faisait élever au pied du mont Srp, près de Strakonitz, (1748) une église à la Mère-des-sept-douleurs; il achetait pour les 30.000 florins donnés par l'archevêque de Salzbourg, le domaine d'Obitz (Bohême) qui forma, selon le testament du donateur, la commanderie de famille Thun.
Et, pendant ce temps-là, Frédéric II se faisait remettre un état des revenus annuels des commanderies de Silésie (1).
Il accaparait les droits du Magistère de Malte ; il s'attribuait la surveillance des rapports extérieurs et intérieurs de ces commanderies, et en frappait les revenus d'impôts prussiens. Le grand-prieur Frère Wenceslas-Joachim fut un officier éminent: Marie-Thérèse le nomma Maréchal-de-camp.
Il fut aussi son Lieutenant de Bohême et assesseur du Tribunal supérieur, ainsi que conseiller intime. Il mourut, le 5 juillet 1754, en son palais, à Prague, et y fut inhumé â l'église conventuelle.
1. — D'après cet état : 1. Breslau, 4200 florins — 2. Reichenbach, 600 florins — 3. Striegau, 4000 florins — 4 et 5. Lowenberg et Goldberg, 1300 florins — 6. Lessen, 5000 florins — 7. Gross-Tinz, 6800 florins — 8. Klein-Ols, 18.000 florins — 9. Grobnig, 9000 florins.
16. — Frère Emmanuel (Comte du Saint-Empire) Kolowrat-Krakowsky, (1754-1769)
Frère Emmanuel, en même temps prieur titulaire de Hongrie, prononça ses voeux solennels dès 1731; il fut commandeur de Breslau (Wratislavia) et de Lossen, et alla à Malte, auprès du grand-maître, Frère Emmanuel Pinto, qui l'éleva à la dignité de grand-bailli.
Il fut nommé grand-prieur, par Bulle du 3 octobre 1754, et vint immédiatement prendre possession de sa charge. Il s'appliqua à développer le bien-être de ses frères et de ses ressortissants. En 1763, Frère Michel-Ferdinand d'Althan (Comte-du-Saint-Empire) bailli de Saint-Joseph, à Dozic, fonda une commanderie pécuniaire, appelée de son nom de baptême commanderie de Saint-Michel et consistant en une somme de 50.000 florins versés par lui.
En 1769, le commandeur, Frère Octavien de Sinzendorf, créa de même une commanderie de famille, appelée de son prénom : commanderie de Saint-Octavien, qui est maintenant à la libre disposition de l'Ordre.
Frère Emmanuel fut chambellan, conseiller intime de Marie Thérèse, assesseur, etc. Il prit part à la guerre de sept ans (1756-1763) et avança jusqu'au grade de général-de-la-cavalerie. Il mourut à Strakonitz, le 12 juin 1769, et y fut inhumé à l'Eglise-du-château.
17. — Frère Michel-Ferdinand (Comte du Saint-Empire) Althann, (1769-1789)
Frère Michel-Ferdinand, était né à Vienne, le 25 juin 1708, et entra tout jeune dans l'Ordre, où il se signala par sa piété, sa douceur, sa modestie, sa vie exemplaire. Aussi fut-il bientôt pourvu de la commanderie de Dozic.
Il fut nommé grand-prieur, par Bulle du 17 septembre 1769, mais il ne prit possession du priorat qu'en 1771.
La Prusse procédait en Silésie, selon la méthode connue : Frédéric II signifia donc (1771) aux commandeurs silésiens la défense la plus formelle d'assister aux Chapitres de l'Ordre, à Prague; il alla plus loin, au mépris de tous les droits acquis, dans ses actes de bon plaisir. Mais les commandeurs n'en continuèrent pas moins à remplir leur mission traditionnelle (1).
Le grand-prieur fit agrandir et décorer l'église de Srp (Podsrp), aujourd'hui encore très-fréquentée par les pieux pèlerins. Il vendit (1779) la commanderie de Haillenstein (Styrie, cercle de Cilli) et fonda avec le prix de vente une commanderie pécuniaire, qui appartient de droit au chapelain conventuel crossé et mitré, vicaire-général in Spirit. Une pieuse femme fit (1780) réparer et embellir l'église paroissiale de Saint-Pierre-et-Saint-Paul, de Striegau. Mais, en 1784, Joseph II fit fermer la petite Eglise-Saint-Procope, qui fut vendue à Dame Marie A. de Kolowrat-Krakowsky, comtesse du Saint-Empire (1789), et elle est aujourd'hui une maison particulière. Lors de la suppression des Carmélites, les Chevaliers continuèrent à être chargés par Décret aulique de 1787, du service du culte de l'Eglise-Maria-de-Victoria, déclarée église paroissiale. Frère Michel Ferdinand fit plusieurs fondations pour les pauvres, à la Kleinseite de Prague et sur les domaines « prioraux. » Il était très bien en cour; il était accrédité du reste en qualité d'Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Ordre. Il fut chambellan et conseiller-intime de Marie-Thérèse et de Joseph II; il pratiqua toutes les vertus et surtout la charité chrétienne. Il mourut à l'âge de 81 ans, le 18 mai 1789, et fut inhumé au cimetière de la Kleinseite de Prague.
1. On lira ici à leur date quelques actes inédits qui se réfèrent plus spécialement au grand-prieuré de Bohême-Autriche : Il y eut des difficultés entre le grand-magistère et le grand-prieuré de Bohême, au sujet des « responsions » que celui-ci ne payait pas, et d'après la correspondance entre Marie-Thérèse et Rohan, Frère Hompesch, accrédité auprès du G-M. en qualité de ministre du Saint-Empire, aurait même prétendu que son caractère diplomatique n'avait pas été respecté, ce qui aurait provoqué des observations de la part de Marie-Thérèse, en 1777 et 1778, et une justification de Rohan (Lette à Kaunitz du 3 décembre 1777). Il y avait eu séquestre impérial (Lettre du Chancelier de Cour et d'Etat Kaunitz, du 29 juin 1780) ; il fut levé, et une nouvelle répartition des « responsions » eut lieu, les droits de passage des Chevaliers furent diminués et cette clause fut insérée dans les nouveaux Statuts. Une lettre de Joseph II du 30 décembre 1780 prouve que la bonne harmonie subsista, malgré Hompesch, disons-le sans détours, en nous appuyant sur la dépêche de Hompesch à Kaunitz, du 24 avril 1779, où Hompesch suscite la méfiance contre son grand-maître, dont il critique « les irrésolutions et la faiblesse », où il parle « des replis tortueux du dédale où Rohan cherche à se retrancher, des sophismes et du peu de sincérité du grand-maître. » Ces faits ont un caractère bien propre à révéler l'homme qui plus tard fut le héros de la reddition de Malte (Archives de Vienne, Malta, 9, 7).
Ibidem (1776-1780). — Rohan à l'Impératrice Marie-Thérèse :
« Sacra Regio Caesarea Apostolica Majestas.
Ex litteris credentialibus a Fr. Ferdinando Josepho Libero Barone ab Hompesch ordinis Hierosolymitani Commendatario ea Germaniae Locumtenante mihi exhibitis probe perspexi, M. V. Regt Caesaream et Apostolicam eidem demandasse, ut in posterum Régi, vestra negotia curet, vestrique Ministri officio apud me fungatur. Vestris itaque mandatis obtemperando, meum erit, praefatum virum jam noihi ob eximias eius animi qualitatis peracceptum, libentius...
Melitae, die VIII Jannuarii 1776.
signé
Magnus Magister Hôsplis et Saint-Sepulchri Hierlem.
Frâ Emanuel de rohan.>
— Rohan à l'Imp. Marie Thérèse :
« Nullus dubito, quin Sacra R. Ap. M. Vestra jam intellexerit, quanta felicitate, et vero etiam universi Ierosolimitani Ordinis emolumento fuerint res Poloniae ad illum spectantes a Bajulivo de Sagramoso tractatae atque absolutae...
Datum Metitae 17. Martij 1777.
signé Fr. E. de R, — » En 1780 il signe : Gd-M. des Ordres de St-Jean-de-Jérusalem, du St-Sepulcre et de St-Antoine de Viennois.
— Rohan à l'Imp. M.-T.:
« Madame.
Mon Ordre doit trop à l'auguste Maison, dont Votre Majesté impériale et Royale, réunit la Puissance et les vertus, pour ne pas devoir attendre de sa protection les effets les plus salutaires: Les bontés particulières qu'Elle a daigné me témoigner lorsque j'ai eu le bonheur de lui faire ma Cour, ajoutant à la confiance que m'inspire la qualité de chef de cet ordre, et je m'en presse à la première apparence de troubles et de mécontentement qui, s'élevant parmi mes religieux allemands paraît exciter l'attention de V. M. I., et de ses Conseils, de venir la supplier d'entendre l'exposé sincère des principes de l'Ordre, des maximes de ses tribunaux et de ma conduite, par les détails qui seront mis sous les yeux de Votre Majesté Impériale, et d'être bien persuadée que le respect, la reconnaissance et la soumission de mon ordre aux volontés de V. M., notre désir de concourir à ses vies, et nos égards pour la nation Germanique, n'ont jamais varié, comme il lui sera aisé de s'en convaincre par le compte qui lui en sera rendu, et sur lequel je ne veux pas anticiper, de peur d'abuser des instants précieux de V. M. I.
Je suis avec un très-profond respect,
Madame,
De V. M. I et R
Le très-humble et très-obéissant serviteur.
A Malte le 3 décembre 1777.
Le Grand-Maître des Ordres de St-Jean de Jérusalem, du St-Sepulchre et de St-Antoine Viennois Signé: Fr. E, de r. » — Dépêche de Hompesch, ministre d'Allemagne, à Kaunitz:
« (1er janvier 1779). G. Le sort du nouveau prieuré de Pologne n'étant pas encore fixé d'une manière légale et immuable; j'ai fait part à Monseigneur le Vice-Chancelier de l'empire de l'inquiétude qui reste sur ce sujet à Messieurs les chevaliers allemands, et des précautions que je crois nécessaires pour mettre fin à leurs justes alarmes. »
18. — Frère Joseph Marie (Comte du Saint-Empire) Colloredo-Walisee, (1789-1818)
Frère Joseph Marie, était né à Ratisbonne, le 11 septembre 1735, et entré jeune dans l'Ordre. Sa piété et ses talents militaires le mirent bientôt en vue : il fut nommé grand-prieur par Bulle de collation du 3 juillet 1789, et prit possession de sa charge en 1791. Le gérant du grand-prieuré vendit (1790) la riche commanderie de Stroheim (Haute-Autriche), qui datait de 1269 et était devenue partie intégrante de celle de Mailberg (Basse-Autriclie).
Le commandeur de Pulst (Carinthie), Frère Jean de Ricci, fut nommé (1791) coadjuteur et prieur du Chapitre de Klagenfurt. Ce fut le dernier commandeur de Pulst. Ce poste est occupé par un administrateur, qui est toujours le chapelain de l'Ordre, curé de la paroisse.
Le grand-prieur vendit (1803) la commanderie de Kralowitz, réunie depuis 1667 à celle de Brunn, et fonda avec le prix de vente une commanderie pécuniaire dont le commandeur de Brunn a la jouissance.
Le château a gardé dans la langue populaire le nom de Commenda.
La Prusse n'avait plus qu'un pas à faire, pour consommer son oeuvre en Silésie. Elle fit ce pas, le 30 octobre 1810. A cette date, toutes les commanderies de Silésie relevant du grand-prieuré de Bohême furent déclarées supprimées et annexées, par Ordre-de-Cabinet.
L'Ordre souffrit aussi beaucoup des guerres de ces temps, et de la Patente impériale de 1806, décrétant la remise par les Eglises, comme par les particuliers, de la liste de toutes les valeurs d'or et d'argent, et l'abandon à l'Etat contre leur prix en obligations du Trésor de celles de ces valeurs qui n'étaient pas indispensables.
L'année 1813 faillit du reste être très mauvaise pour le grand-prieuré ; car, si l'on avait exécuté les deux Décrets impériaux du 20 mars et de septembre 1813, c'en était fait de l'Ordre dans les Etats de Sa Majesté Ile et Rle, apostolique (1). Le lieutenant du magistère, Frère André de Giovanni, nomma Frère Colloredo Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour impériale, afin de renouer les relations de l'Ordre souverain, en cette qualité.
Il y eut à Vienne, en 1815, sous le priorat de Frère Joseph-Marie, un congrès de l'Ordre.
Un doit enfin à ce dignitaire l'achèvement du palais prieural de Prague, qu'il fit décorer et meubler avec luxe.
On peut juger d'après ses titres quels furent ses mérites militaires. Il fut chambellan, conseiller intime, Feld-maréchal, titulaire d'un régiment d'infanterie, directeur général de l'artillerie. Il mourut, le 26 novembre 1818, à Vienne, où il fut inhumé avec tous les honneurs dus à son rang.
1. — Archive du ministère I. R., de l'Intérieur, Vienne. — A. Fasc. 25, Johanniter Orden, nº 19 (Ad A. 188 ex Majo 1813). — Procès-verbal de la séance du Conseil aulique du 26 mars 1813. Notification de la Présidence (Original).
« Le Décret imp., en date du 20 mars de cette année porte que :
1. Il y a lieu de suspendre toute réception de nouveaux membres de l'Ordre de Malte;
2. — A l'avenir, au cas de vacance d'une prébende de l'Ordre, il n'y sera point pourvu sans autorisation impériale préalable;
3. — Les vacances des deux prébendes de famille (Sinzendorf et Thun) seront portées à la connaissance de S. M., au cas d'extinction des droits de ces deux familles;
4. — Les pensions accordées jusqu'à présent par l'Ordre continueront à être servies pendant la vie des bénéficiaires, mais il ne sera plus accordé de pensions sans autorisation impériale;
5. — Il sera donné communication à S. M., après avoir entendu le préposé du Couvent de l'Ordre à Prague, du but d'utilité pour la religion et le soin des âmes auquel on pourrait consacrer cette communauté ecclésiastique de l'Ordre et sa fortune;
6. — Les biens devenant vacants par suite de cette Ordonnance recevront une autre destination. La Présidence de la Chancellerie aulique se réserve... »
(Le rapporteur était le conseiller aulique de Geisslern, et cette notification est signée: Heunbracht. Un autre acte relatif au même objet est signé: Ugarte, Chancelier aulique). — B. (188 ex 7bri 1813) Par Décret impérial, les biens de l'Ordre de St-Jean-de-Jérusalem sont attribués à l'Ordre de Marie-Thérèse, au fur et à mesure des décès des titulaires, et la dissolution du grand-prieuré est prononcée. — Adelsarchiv, Vienne, IV, D. 8, poste 10.
19. — Frère Vincent (Comte du Saint-Empire) Kolowrat-Liebsteinsky, (1819-1824)
Frère Vincent, né à Czernikowitz, le 11 mai 1750, se voua à la carrière des armes; il fut chevalier de l'Ordre, commandeur de la Wratislavia, grand-prieur, élu au Couvent de Prague (1819) et confirmé dans sa dignité par le lieutenant du magistère, Frère André de Giovanni.
Il négocia avec la Prusse, relativement à l'abandon de la commanderie en question, et la Prusse acheta la Wratislavia (Commanderie du Très-Saint-Corps-du-Christ, à Breslau) pour la somme de 24.000 florins, qui formèrent une commanderie pécuniaire.
Il fut général d'infanterie (Feldzeugmeister) et commandant militaire de Bohême. Il mourut à Vienne, le 7 décembre 1824.
1. — Le diplôme comtal est de 1734 (Charles VI).
20. — Frère Charles (Comte du Saint-Empire) Neipperg (1), (1826-1835)
Frère Charles, né le 30 septembre 1757, entra jeune dans l'Ordre et fut nommé grand-prieur par Bulle de collation, du 17 novembre 1826, puis confirmé dans sa dignité. Sous son priorat, la commanderie de famille Thun. fut remise à l'Ordre. Il fut très-aimé pour sa bienfaisance. Il mourut à Vienne, le 24 juin 1835.
21. — Frère Charles-Borromée (Comte du Saint-Empire) Morzin, (1836-1846)
Frère Charles-Borromée, était né le 30 août 1756, et adopta la carrière militaire.
Il devint dans l'Ordre commandeur de Brunn, bailli de Saint-Joseph à Dozic, receveur du grand-prieuré de Bohême, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour impériale: puis il fut nommé par Bulle de collation, du 12 décembre 1836, grand-prieur.
Il était très bien vu à la Cour de l'empereur François Ier, pour ses vertus sociales, et il fut chambellan et major-général (General-Major).
La commanderie de Saint-Ferdinand fut aliénée sous son gouvernement: elle faisait partie de l'ancienne commanderie de Francfort-sur-le-Mein et était un débris de l'ancien grand-prieuré d'Allemagne, incorporé par disposition impériale au grand-prieuré de Bohême.
Elle fut cédée, en 1842, à la ville de Francfort et la commande pécuniaire qui fut fondée avec le prix de vente fut nommée, en l'honneur du fondateur Ferdinand Ier, commanderie de Saint-Ferdinand.
Frère Charles-Borromée était un érudit et un protecteur des arts et des sciences. Il mourut à Prague, à l'âge de 91 ans, le 27 octobre 1846, et fut inhumé à Hohenelbe, dans la caveau de ses aïeux.
22. — Frère François (Comte du Saint-Empire) Kheven-Huller-Metsch, (1847-1867)
Frère François, était né à Vienne, le 3 octobre 1783, et entré très-jeune dans l'Ordre : il fut élu au grand-priorat par le Chapitre formé de tous les commandeurs, puis confirmé par la Lieutenance du Magistère, à Rome, le 15 janvier 1847. En qualité de grand-prieur, il eut la jouissance des revenus de Strakonitz, d'Ober-Liebich et du capital produit par la vente de la seigneurie de Warwazau, qu'il aliéna en 1847.
Ce fut un bomme pieux, charitable, abordable pour tous, aidant et secourant partout où il le pouvait.
Il aimait les arbres et les fleurs : ses domaines avaient de magnifiques parcs et parterres.
Il s'occupait des écoles et il en fit bâtir une à Neu-Strakonitz. Quand fut commis sur la personne sacrée de l'empereur François-Joseph Ier l'attentat que rappelle l'Eglise-Votive de Vienne, il fit une fondation, dont les revenus sont encore distribués aux pauvres de ses anciennes possessions, au jour anniversaire de ce crime si heureusement déjoué par la Providence.
Il laissa de même à ses serviteurs des legs à payer intégralement avant tous les autres (1), lorsqu'il mourut après 67 années de service effectif comme officier de l'armée et plusieurs campagnes.
En 1866, lorsqu'il n'y eut plus de doute sur les desseins de la Prusse et que la guerre fut imminente, Khevenhuller eut une noble pensée, celle de consacrer les forces vives des chevaliers de son grand-prieuré au service de santé et au soulagement des victimes du champ de bataille.
Il convoqua au commencement de mai, conformément aux Statuts un Chapitre général, à Vienne, dans lequel il proposa d'ériger immédiatement un hôpital de l'Ordre pour les soldats blessés. La proposition fut adoptée à l'unanimité, et un comité exécutif fut nommé sans désemparer.
On prit les mesures nécessaires et 20.000 florins furent votés sur l'ancienne caisse du réceptorat. On invita les chevaliers d'honneur, dames de dévotion et donats, à contribuer à l'oeuvre, et tous répondirent à cet appel. Le grand-prieur s'engagea à y consacrer lui-même une rente annuelle de 3000 florins. Les membres du Chapitre imitèrent cet exemple.
Lorsque tout fut organisé, le grand-prieur se rendit avec l'envoyé de l'Ordre, Frère François, comte Kolowrat-Krakowsky, le bailli, Frère Frédéric, comte Schonborn, le commandeur, Frère d'Obitz et le lieutenant-feld-maréchal, baron de Reischach, auprès de Sa Majesté, l'empereur François-Joseph Ier, pour soumettre à son auguste approbation la résolution de l'Ordre.
« Faible et peu nombreuse est en ce moment notre phalange, dit le grand-prieur, mais elle est courageuse et résolue à tenir bon dans sa fidélité éprouvée envers la personne sacrée de Votre Majesté, pour la cause du droit et pour l'honneur et la grandeur de l'Autriche. Que Votre Majesté daigne donc, en nous accordant l'objet de notre requête, nous fournir l'occasion de prouver par des actes nos sentiments patriotiques. »
L'empereur s'exprima avec bienveillance sur les intentions de l'Ordre qui, se souvenant de ses pieuses traditions, songeait, aussitôt que possible, à adoucir les souffrances de la guerre.
Il fut d'abord question d'établir l'hôpital à proximité du théâtre de la guerre; puis, dans la pensée qu'on pourrait mieux, à distance, se consacrer au soin des blessés, on choisit un lieu proche de Vienne. On se prononça pour l'Emilienhof (cour au métairie d'Emilie), entre Klosterneubourg et Kierling, pour y installer cet hôpital. L'Emilienhof est un grand bâtiment entouré d'un grand parc.
Sur l'appel du grand-prieur et du comité, l'argent, la charpie, le linge, les bandes affluèrent de tous côtés. L'ameublement fut des meilleurs; les lits, le linge de corps, les provisions, tout fut bientôt prêt. Le bailli, Frère Frédéric Schonborn, réunit même une bibliothèque choisie pour les malades. Il y avait de la place pour 14 officiers avec leurs ordonnances, ainsi que pour 30 à 40 soldats. L'hôpital était prêt et le fusil Dreyse allait bientôt y envoyer des hôtes.
Frère François mourut plein de jours, d'honneurs et de vertus, le 14 novembre 1867. Il avait 84 ans: il eut la douleur de voir son pays écrasé et occupé par l'ennemi. Cette douleur déchira son coeur de chef d'Ordre, d'officier et de patriote; mais, par une providentielle compensation, les malheurs de l'Autriche fournirent aux Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem l'occasion de bien mériter du Prince et de la nation.
1. — Les Khevenhuller sont d'origine franconienne, mais, depuis 1030, ils appartiennent à la haute noblesse autrichienne. Le comte François-Joseph fut conseiller intime actuel, général de l'infanterie, général-commandant de Bohême, propriétaire du 35e régiment d'infanterie, chevalier de la Couronne de Fer de 1ere classe, maître-héréditaire de la cour en Autriche, écuyer-héréditaire en Carinthie... Il fut sous-lieutenant à 17 ans (1800), fit 8 campagnes et arriva au grade le plus élevé de la hiérarchie après celui de feld-maréchal. Il ménagea la ville de Prague révoltée (1848), en autorisant le tir de bombes à mèches raccourcies qui, en éclatant avant de tomber, n'endommagèrent pas les maisons. Cet acte d'humanité, révélé par le Dr Feyfar, demeura secret pendant Si années. Il est cependant digne d'être mis en parallèle avec les plus belles actions, et, ce qui est curieux aussi à constater, le bombardement eut un effet terrible sur les insurgés et amena après le quatrième projectile la reddition, comme ne l'aurait peut-être pas fait un bombardement régulier.
23. — Frère François-Xavier-Hercule (Comte du Saint-Empire) Kolowrat-Krakowsky, (1867-1874)
Frère François-Xavier-Hercule, est le quatrième de cette noble lignée, qui ait occupé le grand-priorat. Il était né, le 5 juin 1803, au château de Teinitzel, près de Klattau (Bohême).
Il servit dans l'armée, de 1819 à 1845, et démissionna alors avec le rang et le titre de lieutenant-colonel.
Il faisait partie de l'Ordre depuis sa jeunesse, et s'y était toujours montré le promoteur des idées et des intérêts humanitaires.
Il avait été pourvu de la commanderie de Troppau. L'Empereur l'avait chargé de missions diplomatiques: il avait été, en 1840, un des témoins du mariage de la reine Victoria avec le prince Albert de Saxe-Cobourg, dont il avait été le gouverneur.
Il vécut pendant plusieurs années à la Cour de la reine de Portugal, Donna Maria, et accompagna le prince Don Fernando (Ferdinand de Saxe) dans ses voyages.
A partir de 1845, il s'adonna à l'économie rurale et se consacra aux affaires de l'Ordre.
Il fut décoré (1860) de la croix de l'Ordre impérial de Léopold et nommé (1861) conseiller intime. En 1861, il fut chargé de représenter l'Ordre à la Cour de l'empereur François-Joseph, en qualité d'Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire. Nous avons vu qu'en 1866 il prit une part active à la création du Service de santé volontaire, et qu'il fut président du comité exécutif.
Sa qualité d'Envoyé de l'Ordre donnait plus de poids à la résolution prise, puisque son concours indiquait clairement l'appui du Magistère, à Rome.
A la mort du grand-prieur Khevenhuller, il fut élu grand-prieur, dès le 2 décembre 1867. Il visita les possessions de l'Ordre, dès son entrée en fonctions. C'est sous son gouvernement que les domaines de Detenic (cercle de Liban, ancien cercle de Jung-Bunzlau) et de Kurima (Hongrie) furent remis effectivement au grand-prieuré.
Il s'occupa de l'amélioration des voies de communication.
En l'année 1869, de même qu'en 1866, l'Ordre rendit de grands services pendant l'insurrection des Bouches-de-Cattaro. Le grand-prieur délégua le commandeur, Frère Othénio Lichnowsky-Werdenberg, le chevalier comte Rodolphe Khevenhuller-Metsch et le Dr., en médecine, Baron Jaromir Mundy, en Dalmatie, pour y remplir la mission hospitalière de l'Ordre. Ils méritèrent des éloges unanimes dans l'accomplissement de cette mission.
C'est sous le priorat de Frère François-Xavier, et, grâce au concours le plus généreux du grand-prieuré, que la maison de Tantur a pu être bâtie et instituée, comme nous l'avons dit dans la première partie de ces Annales. L'initiative de cette fondation revient d'ailleurs avant tout à l'Empereur.
Frère François reçut en récompense, de Sa Majesté Ile et Rle apostolique, la Couronne de Fer de 1ere classe.
Ce grand-prieur était doué de tous les dons de l'esprit et du coeur, qui charment et captivent. Aussi était-il aimé de tous. Il mourut, à son château de Strakonitz, le 15 juin 1874, et fut inhumé dans le caveau des chapelains de cette ville. Après sa mort, la Wratislavia passa entre les mains de l'Ordre.
24. — Frère Othénio-Bernard-Marie (Comte du Saint-Empire) Lichnowsky-Werdenberg, (1874-1887)
Princes Grands-Prieurs
Frère Othénio-Bernard-Marie, premier Prince-Grand-Prieur de Bohême-Autriche, premier-prélat-provincial de Bohême (1), est né, le 7 mai 1826, au château de Gratz, près de Troppau (Silésie autrichienne); il est le quatrième fils de S. A. S., le prince Edouard Lichnowsky, comte de Werdenberg (1749-1845) et de la princesse Eléonore, née comtesse Zichy.
Il a servi dans l'armée et y est parvenu au grade de major de hussards. Reçu dans l'Ordre, à titre de novice, le 20 mai 1853, sous le priorat de Frère François, comte Khevenhuller-Metsch, il se préoccupa dès ce moment-là des intérêts et de l'avenir de sa communauté.
Les services qu'il rendit lui firent conférer, en 1872, la grand-croix et le titre de Bailli-honoraire, par le Magistère, à Rome, sous le gouvernement grand-prioral de Frère François-Xavier, Comte Kolowrat-Krakowsky, et élire pour successeur de ce dernier, dans le Chapitre des commandeurs et chevaliers-profès, tenu en son hôtel, à Vienne, le 2 juillet 1874.
1. Il est aussi grand-croix de la Couronne de Fer, chambellan et conseiller intime actuel, membre à vie de la Chambre des Seigneurs, à laquelle appartient aussi le cardinal grand-maître de l'Ordre, en sa qualité de prince autrichien.
Son élection fut confirmée par le Magistère. Ce fut un des premiers actes de son gouvernement d'ordonner que les Chapitres provinciaux seraient désormais réunis, non plus à Vienne, comme c'était la coutume depuis le siècle précédent, mais à Prague, c'est à dire dans le pays et au lieu même que la munificence des rois de Bohême a assignés à l'Ordre souverain.
Dès le 24 juin 1875, il convoqua, en exécution de cette Ordonnance, les commandeurs et chevaliers-profès au palais grand-prieural, à Prague, pour délibérer sur les voies et moyens de rendre à l'Ordre sa mission originaire. D'après la décision unanime de ce Chapitre, il conclut en 1876, avec le Ministère de la guerre de l'ensemble de la monarchie, une convention relative à la remise à l'Ordre du Service de santé volontaire sur les chemins de fer, en temps de guerre, et cette convention fut ratifiée par l'Empereur (2).
Il fit alors construire, avec le concours des commandeurs de l'Ordre (grand-prieuré de Bohême) un premier train-école, comprenant 15 wagons, destiné au transport des blessés en cas de guerre, et contenant tous les accessoires voulus: lits pour les malades, cabines pour les médecins, pharmaciens et cuisiniers, compartiments pour les approvisionnements, etc. Les cinq wagons-ambulances renferment 50 lits, avec des bancs pour les soldats moins grièvement blessés, de sorte que chaque train peut transporter plus de 100 blessés ordinaires et quatre officiers dans les hôpitaux les plus éloignés, en pourvoyant jusque dans les plus petits détails à tous leurs besoins.
Le 11 novembre 1877, le train fut bénit, puis mis en gare, dans une halle construite à cette fin à proximité de la station Strakonitz; tandis que les appareils de chirurgie, vêtements, etc., étaient mis en réserve dans la résidence du grand-prieur, à Strakonitz. La remise du train à l'Ordre eut lieu, en présence de Frère Othénio et des commandeurs, Frère Guy, comte Thun-Hohenstein, et Frère François, comte Meraviglia-Crivelli. Il fut ensuite chanté par le chapelain conventuel un Te Deum d'actions de grâces, pour la réussite de l'entreprise.
Ce service de santé fut inauguré par 2 trains sanitaires (l'Ordre les porterait à douze, au cas de besoin) pendant l'occupation de la Bosnie-Herzégovine (août, septembre, octobre 1878), et cette institution humanitaire a fait alors ses preuves de vitalité. L'occupation de la Bosnie-Herzégovine n'était pas le fait de guerre prévu; mais il y eut cependant mobilisation (en temps de paix) et lutte armée. Aussi le grand-prieur s'empressa-t-il de mettre en activité ces deux trains sanitaires, et tout d'abord le train-école (A), emmagasiné à Strakonitz, sous le commandement du commandeur, Frère Meraviglia, puis, au bout de quinze jours, le deuxième train (B), sous les ordres du commandeur, Frère Charles Thun-Hohenstein. Le train (A) fut dirigé sur Sissek, le train (B), sur Trieste. Le médecin-en-chef accompagna alternativement l'un ou l'autre train. Le train (A) eut pour médecins les Drs Bedtenbacher et Tinus; le train (B), les Drs Grunner et Steer. Durant trois mois, les deux trains firent environ cent voyages et franchirent des milliers de Kilomètres; des milliers de soldats grièvement ou légèrement atteints furent évacués sur les hôpitaux militaires de Croatie, d'Istrie. du Littoral, en Carinthie, en Carniole, en Styrie, en Hongrie, principalement sur Buda-Pesth et souvent aussi sur Vienne. Il n'y eut pas un cas de mort sur les deux trains, ni une difficulté avec le personnel qui fit toujours son devoir. Les commandeurs Frère Meraviglia et Frère Thun ne quittèrent presque pas un instant l'uniforme (1).
1. Nous avons suivi pour ces détails le rapport officiel du médecin en chef de ce service, Dr Bon Mundy.
L'Empereur adressa, le 3 décembre 1878, au grand-prieur, Frère Othénio, cette lettre autographe: « Cher Comte Lichnowsky-Werdenberg,
Les trains sanitaires mis à la disposition par l'Ordre de Malte ont déployé une activité vraiment pleine de dévouement et très-efficace, que Je reconnais entièrement. »
« Ce résultat dû surtout à votre influence personnelle éprouvée me fait ressentir une haute satisfaction, et m'offre de nouveau une occasion favorable pour vous exprimer mes remerciements et ma reconnaissance pour vos efforts.
Buda-Pest, le 3 décembre 1878.
Signé: François Joseph. »
Cette lettre impériale fut portée à la connaissance des chevaliers par le grand-prieur, en décembre 1878, par un Ordre du jour, où nous lisons que les frais de ce service ont été supportés exclusivement par les commandeurs du grand-prieuré, qui ont refusé tout concours pécuniaire de la part des chevaliers et des personnes étrangères à l'Ordre. De même que les Chevaliers Teutoniques et les Chevaliers affiliés de Sainte-Marie (Marianer), les Hospitaliers de Saint-Jean ont pris, en 1878 comme en 1866 et en 1869, une place d'honneur auprès du trône et dans le coeur des soldats qui les ont vus à l'oeuvre, et la lettre impériale nous prouve que l'Ordre de Malte doit à cette institution d'avoir reconquis en Autriche, en 1878, son antique renommée (1).
1. Les deux Ordres religieux de Chevalerie d'Autriche: les Teutoniques et les Hospitaliers ont, sur le désir exprimé par l'Empereur, envoyé dès la fin de novembre 1885, sur le théâtre de la guerre serbo-bulgare, le premier, à Belgrade et à Sophia, des colonnes de santé pour assister et soigner les blessés, et le second, à Belgrade, son train-école de transport, avec le personnel et le matériel nécessaires. S. A. P Mgr., l'Archiduc Guillaume, Grand-Maître et Maître-d'Allemagne de l'Ordre, Teutonique, et M., le Comte Lichnowsky-Werdenberg, Prince-Grand-Prieur de l'Ordre de Malte, se sont empressés de répondre aux intentions hautement humanitaires de Sa Majesté Ile et Rle Apostolique (V. Salles, Annales de l'Ordre Teutonique, Paris et Vienne, 1887).
Nous avons dit dans la première partie de ces Annales, la restauration du Magistère, les hautes dignités conférées et la reconnaissance nouvelle par le chef de la catholicité, et par le Monarque d'Autriche, de Bohême, de Hongrie etc., du caractère souverain de l'Ordre des Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et du Saint-Sépulcre, de Rhodes et de Malte. Le vénérable bailli, Frère Othénio, prince-grand-prieur de Bohême-Autriche, était d'ailleurs un de ces hommes d'énergique initiative, qui semblent créés pour donner une vive impulsion aux oeuvres auxquelles ils se vouent. Il est mort à Méran, le 13 février 1887, et a été inhumé à Detenic, commanderie grand-prieurale, dans le cimetière du lieu, le 20 février 1887.
25. Frère Guy (Comte du Saint-Empire) Thun-Hohenstein (1887)
Frère Guy, né le 19 septembre 1823, reçu le 19 septembre 1859, profès du 18 mai 1874, bailli, ministre-receveur et Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Grand-Maitre auprès de S. M. Ile et Rle ap., du 16 mai 1878, grand-prieur élu le 26 février 1887, confirmé par bulle du grand-magistère, en date de Rome, le 8 mars 1887.
Frère Thun-Hohenstein a appartenu à la carrière diplomatique : il a été Ministre de S. M. Ile et Rle ap. auprès de Maximilien, empereur du Mexique.
Annales de l'Ordre de Malte ou des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem - Chevaliers de Rhodes et de Malte. Depuis son origine jusqu'à nos jours et du Grand-Prieuré de Bohème-Autriche et du service de Santé volontaire. Par Félix de Salles. Vienne 1889.